Le premier round des agapes de fin d’année vient de s’achever : on n’a jamais été aussi près de Noël 2020 ! Avant de desserrer nos ceintures de deux crans supplémentaires avec le réveillon à venir, asseyons-nous tous ensemble en salle de réunion. Je vous propose qu’on évalue aujourd’hui un super commercial : le père Noël, himself !
Comme tous les ans, on aura droit en janvier au bilan de Noël. Quelles ventes en 2019, comment ces performances évoluent par rapport aux années précédentes… Mais rien ne serait possible en cette période charnière commercialement, sans un commercial d’exception. Son nom c’est Noël. Père Noël.
Une étude du cabinet Brand Finance avait évalué la valeur de sa marque en 2013 à 1’600 milliards de dollars. Soit plus de 10 fois la dette de la Finlande (qui serait du coup bien avisée de revendre son citoyen le plus célèbre). Ou encore une fois et demie la valeur d’Apple, et plus de cinq fois celle de Coca Cola !
La méthode utilisée pour cette évaluation par le cabinet londonien est on ne peut plus simple. Elle se fonde sur la comptabilisation de la hausse du chiffre de tous les secteurs économiques en période de Noël (tourisme, commerce…), en attribuant ensuite une redevance sur cette hausse au bon papa Noël. Et si on traduit ce chiffre avec une grille de lecture de marketing d’influence, ça fait bien de Santa un commercial redoutable. Qu’est-ce qui le rend si efficace ? En plus de la magie de Noël, je vois au moins deux méthodes très puissantes qu’il exploite à merveille.
Les méthodes de vente du Père Noël
La première méthode de vente dont on va parler, tient à la narration. En effet, que savez-vous du père Noël ? C’est un vieux monsieur bienveillant, jovial et plutôt épicurien si l’on en croit sa bedaine. Il ramène des cadeaux aux petits et grands s’ils ont été sages, passe par la cheminée et se déplace en traîneau volant, tiré par des rennes.
Que sait-on de plus ? Pas grand chose. Rien que ces premiers éléments posent déjà question, puisque le père Noël apporte aussi des cadeaux dans les appartements citadins dépourvus de cheminée ! Alors pour le reste, on interprète. Pour nous, européens érudits, Santa habite en Laponie. Mais pour nos cousins d’outre-Atlantique, la résidence principale de monsieur Noël serait au Pôle Nord. Et sa villégiature d’été est un débat récurrent entre le Quebec, l’île Christmas et la région d’Antalya en Turquie.
Finalement c’est assez Socratique : on sait qu’on ne sait rien, ou pas grand chose.
Et c’est en ça que la façon dont le Père Noël raconte son histoire est géniale : il pratique la narration disruptive. Il nous laisse le soin, à tous, de remplir les blancs et de projeter sur ses accomplissements des histoires et des structures narratives.
En procédant ainsi, il tire pleinement avantage de l’effet Ikea dont on a déjà parlé sur le podcast : comme nous sommes associés à la construction de l’histoire, nous y sommes aussi bien plus attachés. Et donc, nous faisons tous le marketing du père Noël, pendant qu’en bon commercial il bronze sur l’île Christmas.
Le produit est dans l’esprit de l’acheteur
En fait, ce que Santa exploite ici, c’est un principe commercial fondamental. Le produit est dans l’esprit de l’acheteur. Si le vendeur s’efforce de décrire d’emblée toutes les caractéristiques du produit et les avantages portés à sa connaissance par son équipe marketing ou développement, il va en fait crisper l’acheteur. Celui-ci passera tout le pitch à se demander si, au fond, ce produit est vraiment fait pour lui. Et à moins d’un improbable coup de bol, il va se convaincre que non !
Il va donc développer une grande sensibilité au prix, et mettre toute sa créativité et son imagination au service de la génération d’objections. Et la vente sera soit très difficile, soit tout simplement impossible.
Si en revanche, on laisse un grand espace à l’acheteur pour imaginer comment le produit ou le service parfaits répondraient à ses attentes et ses besoins, on va lui permettre de construire la solution dans sa tête. C’est ensuite à nous de le guider intelligemment, par nos questions ou nos histoires, pour pouvoir orienter cette image mentale vers quelque chose de réaliste. Et bien entendu, idéalement, quelque chose que nous sommes en mesure d’offrir !
Voilà donc ce que ce commercial de père Noël réalise à la perfection : autour des impératifs de sa fonction, il vous laisse broder le service de vos rêves. Pour ensuite le réaliser, parce que pour Santa, la satisfaction client passe avant tout.
Le roi de l’urgence
Alors oui, le petit papa Noël est un superbe storyteller. Mais plus encore, c’est le roi de l’urgence !
Revenons aux fondamentaux : pourquoi toutes les offres commerciales sont disponibles pour une durée limitée ? C’est à chaque fois votre dernière chance d’en profiter ! Et la promotion se termine dans deux jours.
Tout simplement, parce qu’en tant qu’humains, nous accordons plus de valeur aux choses si celles-ci se trouvent en quantité ou accès restreint. Et ce encore plus, si cet accès restreint se réduit lui-même de plus en plus !
Dans le cadre de ses recherches sur le sujet en 1982, Robert Cialdini a réalisé une expérience assez édifiante. Ses étudiants donnaient à certains acheteurs agro-alimentaires un tuyau simple : les cours de la viande allaient bientôt fortement monter, il était donc urgent d’acheter au tarif du jour. Résultat ? Deux fois plus de ventes. Ils ajoutaient ensuite une deuxième information : seuls certains acheteurs avaient l’information. Donc, double restriction à la fois de l’information et de sa liste de distribution. Résultat ? Trois fois plus de ventes !
Bon, tout ça c’est abstrait pas vrai ? Vous n’êtes sans doute pas des acheteurs agro-alimentaires professionnels. Alors voyons deux exemples récents de frénésie collective liées à l’urgence.
Les précieux cotons-tiges
Ils ne sont bons ni pour l’environnement (avec leur corps en plastique) ni pour nos oreilles (je vous en supplie, allez dire ça à ma femme). Et c’est bien pour ça qu’à compter du 1er janvier 2020 les cotons-tiges seront interdits en France ! On pourrait s’en réjouir ou chercher des alternatives plus efficaces et moins impactantes pour la nature.
Mais en lieu et place, ce que l’on observe depuis quelques semaines, c’est une ruée sur les boites de 1000… Certains se vantant même d’avoir fait des stocks pour pouvoir « tenir jusqu’en 2050 ! ». Et on parle toujours de cotons-tiges. Quelle était la valeur accordée à ces petits bouts de plastiques ouatés avant la loi d’interdiction ? Entre rien et pas grand chose. Mais soudain, l’urgence aidant, voilà qu’il fallait à tout prix s’en procurer à temps.
Les brillantes ampoules
Ce phénomène n’est pas nouveau : rappelez-vous de 2018 (une éternité). Les ampoules halogènes venaient de rejoindre les ampoules à filament sur la liste des produits désormais interdits dans l’union européenne. Le remplacement de ces lampes incandescentes par les LED, les lampes fluo compactes ou les halogènes haute efficacité, a permis une économie de 8 TWh en France, soit 1,5% de la consommation électrique.
Et pourtant, on a assisté aux mêmes scènes dans les magasins. Chacun trouvant désormais maintes qualités à ces ampoules autrefois si banales, on voyait les gens stocker à n’en plus finir des ampoules pour les décennies à venir.
Dans ces deux exemples, on voit bien la notion d’urgence : la date limite approchant, il faut à tout prix acheter tant qu’il en est encore temps. Et il y a aussi une forte notion d’aversion à la perte. Rappelez vous, on en a déjà parlé dans l’épisode sur la façon émotionnelle dont nous prenons nos décisions !
Revenons à la vente du commercial Papa Noël. C’est l’évidence même, il maîtrise le principe d’urgence. Vous avez jusqu’au 24 décembre au soir pour lui passer commande, après, c’est foutu et il faut attendre l’année suivante ! Radical.
Ajoutez à ça la raréfaction des denrées, les lutins produisant les jouets en quantité finies, et vous voyez bien que s’il y a une période de l’année où l’émotionnel l’emporte encore plus radicalement sur le rationnel au moment de passer commande, sous l’effet de l’urgence, c’est bien Noël.
Les lutins malins
En plus des qualités de commercial du père Noël, j’aimerais m’arrêter un instant sur les dons de marketing des lutins.
Comme vous le savez, les lutins du père Noël produisent les cadeaux qui seront ensuite distribués par leur patron à Noël. Seulement voilà, les lutins ont aussi des frais de structure (fournitures, approvisionnement, main d’oeuvre…), ce qui les oblige à rentabiliser leurs investissements à l’année. Ils ne peuvent donc pas se permettre de n’écouler leurs jouets qu’à Noël. C’est pourquoi, en dehors du mois de décembre, les lutins distribuent leurs productions dans les filières de commerce traditionnelles.
Le problème c’est que, côté acheteurs, la demande est clairement concentrée sur Noël. Il faut trouver une astuce, pour que l’acheteur potentiel de décembre soit tout disposé à remettre la main au portefeuille en janvier, février ou mars – histoire de tenir jusqu’à Pâques.
Le principe de cohérence
Et pour ce faire, les lutins utilisent à plein le principe de cohérence. Je l’ai déjà évoqué plusieurs fois sur le podcast : ce principe est un biais cognitif très puissant dérivé de siècles d’évolution. Pour éviter d’avoir à prendre sans cesse des décisions, notre cerveau nous aide à naviguer dans un monde complexe, en se tenant à des décisions déjà prises dans le passé, par cohérence.
Ce qui dicte cette cohérence, c’est l’engagement. Si nous nous engageons à faire quelques chose, par des actions ou des mots, nous allons ensuite poursuivre sur cette lancée et mettre dans la mesure du possible nos actes futurs en rapport avec cet engagement.
Et le plus fort de ces engagements, c’est celui fait verbalement et devant témoins. Non pas qu’il y ait une quelconque conséquence judiciaire à ne pas tenir une promesse, mais tout simplement parce que notre propre engagement en la circonstance devient beaucoup plus engageant, justement. Et que donc, nous y serons d’autant plus cohérents par la suite.
Revenons à nos lutins.
Le marketing des lutins
Pour rappel, leur problématique, c’est d’arriver à vendre des jouets en dehors de la période de Noël. Et bien, leur astuce pour y parvenir est assez simple. Ils commencent par faire diffuser des publicités pour certains « jouets de Noël ». Nos chères têtes blondes sont séduites par les charmes de ces jouets, et les réclament. Et les adultes de s’engager à les commander à leur commercial préféré, le père Noël. Verbalement et en public, au sein de la tribu familiale. C’est le premier temps de la stratégie des lutins.
Dans un second temps, ces petits chenapans organisent la pénurie : seuls les premières commandes pourront être satisfaites avant Noël. Le père Noël est bien embêté, puisqu’il ne peut pas satisfaire la commande de bon nombre d’enfants. Il échange donc avec les parents, et propose des jouets alternatifs. La livraison de Noël de la plupart des enfants est en conséquence constituée de ces produits de remplacement.
L’engagement de départ, lui demeure ! Aussi, dès Noël passé, les lutins s’empressent de relancer la production des jouets qui arrivent dans tous les points de vente à partir de janvier. Et l’adulte qui s’était engagé vis à vis de l’enfant, bien qu’il ait réussi entre temps à faire livrer un magnifique autre jouet par l’intermédiaire du père Noël, se trouve rattrapé par son principe de cohérence. C’est ainsi que, dans le courant du mois de janvier, il va placer dans son chariot le fameux jouet, à nouveau disponible.
Les lutins quant à eux auront fait deux ventes : une directement au père Noël avec leur produit alternatif, et une deuxième en magasin avec le jouet de départ. Malins !
Noël c’est plus ce que c’était, c’est commercial !
Bon, on vient de voir que le père Noël est un incroyable commercial. Et que ses lutins sont des as du marketing. La conclusion est évidente : la belle fête de Noël d’antan a été dévoyée par l’ogre du commerce mondialisé. Franchement ? Peut-être. Et pour être franc, c’est ni mon sentiment, ni mon propos du jour.
Je ne sais pas trop ce qu’il en est pour vous, mais mon ressenti personnel après ce premier round du marathon des fêtes, c’est que le plus précieux de Noël est intangible. J’ai passé du temps en famille, avec des personnes qui me sont chères. Et dans le métier qui est le mien, avec sa généreuse dose de découverte permanente, de voyages et de séjours, c’est rare et précieux. Je suis sûr que ces quelques jours autour de Noël, ou de Hannoucca, restent pour beaucoup d’entre nous une petite respiration hors du temps. Et j’espère le plus sincèrement du monde, que vous avez tous passé de merveilleux moments !
Alors voilà, cet épisode c’est un peu mon cadeau de Noël après l’heure pour vous : si le père Noël est un commercial d’exception, et si les lutins règnent en maîtres sur l’art du marketing, il y a sans doute quelques bonnes recettes que vous pouvez vous aussi appliquer ! Mais ça peut tout à fait attendre janvier, faut pas déconner pour l’instant il reste des bredalas.
Offrez le meilleur des méthodes commerciales B2B!
D’ici là, je vous souhaite déjà tout le meilleur pour le réveillon du nouvel an et une incroyable année 2020 ! N’oubliez pas : le plus beau cadeau que vous puissiez faire à bien des commerciaux qui galèrent pour remplir leur quota, développer leur secteur, fidéliser leurs clients ou faire décoller leurs performances, c’est d’aller mettre une évaluation à ce podcast sur votre plateforme préférée. De cette manière, vous leur rendrez mes conseils hebdomadaires bien plus visibles ! Vous pouvez évidemment partager le podcast de façon encore plus directe, en envoyant un épisode directement à un ami, un proche ou… un comptable ! On se retrouve l’année prochaine, à jeudi prochain !
1 réflexion au sujet de « Le père noël est un commercial d’exception »
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