Concluons cette semaine notre série sur les quatre principes fondamentaux d’une vente réussie !
Rappelez-vous, on a déjà vu que des humains achètent à des humains, que les acheteurs prennent des décisions émotionnelles pour des raisons rationnelles et que l’on ne peut pas vendre à quelqu’un qui ne peut pas acheter.
Pour conclure en beauté notre série sur les principes fondamentaux de la vente réussie, nous allons aujourd’hui parler de celui qui est peut être le moins appliqué. Et pourtant, je vous le garantis, c’est le plus puissant.
Ce que je vous propose, pour que vous voyez où je veux en venir quand je dis que ce principe est bien trop peu appliqué, c’est de commencer avec une analogie.
Quel dragueur(se) êtes-vous ?
Mettons que vous recherchiez une rencontre, avec une fille (ou un garçon). Est-ce que vous trouveriez pertinent de vous asseoir derrière votre votre écran d’ordinateur, et de guetter les notifications « Amanda et Thierry viennent de se mettre en couple » sur facebook pour aborder Amanda (ou Thierry) ? Ce serait très très étrange non ?
Je suis sûr qu’il vous paraîtrait bien plus naturel de fréquenter des lieux de rencontre, virtuels ou réels, à la recherche de personnes qui éveilleraient votre intérêt ou que vous trouveriez à votre goût. Vous engageriez alors la conversation, découvririez des atomes crochus (ou pas) et vivriez une belle histoire d’amour (encore une fois, ou pas). Mais vous seriez pleinement acteurs, dès le début de l’histoire !
Et si on évitait le style… bizarre ?
Revenons à la première approche, celle de l’étrange individu qui attend que les couples se déclarent leur flamme mutuelle sur facebook. Si on devait la traduire en des termes commerciaux, quelle étape du cycle de vente est-ce que ça représenterait d’après vous. La signature du contrat ? Non, je vous parle de personnes qui se mettent en couple, c’est assez sérieux pour facebook, mais c’est pas un acte de mariage. Non, dans un cycle de vente, cette annonce du couple, c’est l’appel d’offres.
N’attendez pas l’appel d’offres !
Beaucoup (trop) de commerciaux attendent fébrilement la mise à jour de leur alerte mail quotidienne sur les plateformes publiques d’appels d’offres, pour connaitre les « projets qui sortent », se ruer chez le client pour en parler (alors que celui-ci ne peut la plupart du temps légalement plus les recevoir) et répondre dans le délai imparti (qui est la plupart du temps ridiculement court). Et en plus, ils espèrent gagner avec cette méthode.
Mais qui l’a écrit cet appel d’offres ? Parfois le client lui-même (rarement). Souvent, un consultant. Et en réalité, beaucoup d’autres petites mains, de plumes « bénévoles » et de commis de cuisine. Un appel d’offres est une oeuvre collective ! Quasiment tout le temps, tous ceux qui ont mis la main à la pâte pourront à raison argumenter que leur intervention a un impact positif. Mais ils attendent désormais d’être payés en retour de ce « service » rendu dans les phases amont du projet, et l’appel d’offres sur lequel vous vous préparez à bûcher est là pour ça.
Fermez le ban !
Ce précieux document, que vous venez de télécharger, c’est ni plus ni moins que la description – en de beaux termes techniques – de la rencontre entre les visions de l’acheteur (et de son consultant) d’une part, et de tous ceux qui lui auront soufflé des idées et rendu des services dans la phase amont d’autre part.
Alors bon, évidemment, vous êtes libres de répondre. Et vous allez voir que vous allez peut être même gagner parfois, si vous êtes incroyablement performant… ou que vous cassez les prix.
Mais niveau stratégie, se lancer dans une course cycliste avec un monocycle et un pied dans le plâtre, c’est certainement pas la meilleure des idées sur le long terme.
Si vous ne voulez pas parier sur la chance, mais plutôt voir exploser votre ratio victoire / défaite, vous devez impérativement appliquer le quatrième principe fondamental d’une vente réussie : il n’est jamais trop tôt.
Partir plut tôt : une bonne pratique essentielle à votre réussite
Qu’est-ce que ça veut dire, partir plus tôt. Il faut déjà que vous sachiez où vous vous trouvez dans le cycle de vie d’un projet. On considère généralement qu’il y a 6 phases dans un projet :
- Design
- Planning
- Appel d’offres
- Préparation
- Exécution
- Exploitation et Maintenance
Vous allez peut être trouver des légères différences d’un domaine à l’autre, mais le principe restera le même, et vous devez à tout prix savoir où vous intervenez.
Si par exemple, vous proposez un service de maintenance, intervenir plus tôt pour vous ça signifie que vous devez être en scène dès la préparation. Si vous êtes un consultant et que vous accompagnez le design ou le planning, vous devez être en contact régulier avec vos clients potentiels pour connaître et façonner leurs projets avant même qu’ils existent. Et donc, comme on l’a vu à l’instant, si la vente de votre solution se décide après l’appel d’offres, vous devez apparaître dès le design.
Pourquoi apparaître le plus tôt possible ? Il y a au moins trois bonnes raisons pour ça
1. Parler avec le pouvoir
Si vous voulez pouvoir appliquer pleinement les principes dont on a déjà parlé dans les épisodes précédents de notre série, vous devez faire en sorte de découvrir l’humain derrière l’acheteur, comprendre sa raison profonde d’agir (ses pourquois), comprendre également ses réactions émotionnelles, et avoir un panoramique de sa situation pour cartographier le pouvoir (et l’influence) au sein de son entreprise.
Mais du coup, quand est-ce qu’on le rencontre, le pouvoir, dans un projet ? Très simplement : au début.
Je vous ai mis dans les notes d’épisode que vous trouverez comme d’habitude sur ingeventes.fr/podcast un graphique qui trace l’implication du top management dans une décision d’achat, issu d’une étude publiée il y a deux ans dans la Harvard Business Review.
On constate assez clairement que nos meilleures chances de poser les bonnes questions aux bonnes personnes se concentrent au début du projet ! Et si vous vous rappelez de la loi de Pareto dont on a parlé la semaine dernière, c’est peut être là que se concentrent les 20% d’actions qui vous apporteront 80% de vos résultats.
2. Tirer profit du principe de réciprocité
Pourquoi les vendeurs de pâtisseries sur les marchés de noël vous font-ils goûter leurs macarons ? Pour quelle raison vous alpague-t’on au stand tapenade pour vous faire goûter la dernière trouvaille du cuistot ? Pourquoi trouve-t’on chaque semaine des démonstrateurs Fleury Michon, Cochonou ou Vache-Qui-Rit dans votre Leclerc préféré ? Parce que la saveur unique de ces échantillons vous fera acheter le produit ? Pas du tout.
Parce que le fait d’avoir reçu un cadeau – non sollicité – vous met temporairement mal à l’aise, et vous pousse par principe de réciprocité à acheter en retour un sachet de cannelés, une boite d’olive noires ou un filet de Babybel.
Transposons ce principe à votre projet. Allez voir votre client dans les prémices de sa phase de design. Voyez si vous pouvez lui donner de bonnes idées (qui vous arrangent), ou s’il a besoin d’une étude budgétaire pour savoir quelle enveloppe demander. Vous pouvez aussi lui présenter un excellent consultant ou un ensemblier efficace, l’essentiel, c’est que vous lui rendiez service.
Vous verrez ensuite qu’au moment de commencer à rédiger son appel d’offres, votre client reconnaissant, par principe de réciprocité, vous invitera à venir mettre votre petite touche à l’oeuvre collective !
3. Bénéficier de l’effet Ikea
Vous connaissez peut être déjà le principe de cohérence. C’est lui qui est à l’oeuvre quand vous faites la queue à la caisse pour payer votre fameux sachet de babybel que vous achetez par principe de réciprocité. La file d’à côté va ostensiblement plus vite, mais vous vous dites « bon, maintenant que je fais la queue ici, je vais pas changer ». Vous restez cohérent à vos choix passés, même si une meilleure option semble possible.
Ramené à la vente B2B, vous voyez déjà, que même si vous venez avec une meilleure solution à l’appel d’offres, la résistance de votre client au changement de son idée originelle sera d’autant plus forte, que le principe de cohérence le poussera à y rester fidèle.
Ajoutons maintenant un niveau supplémentaire d’engagement avec l’effet Ikea.
J’entends consonnes
Je suis certain que vous avez au moins une fois dans votre vie assemblé une armoire PAX ou une tablette KALLAX. Bon, il lui manque deux vis et vous l’avez rayée sur l’arrière en la redressant contre le mur, mais pour vous c’est le plus beau meuble du monde. Pourquoi ? Parce que vous l’avez assemblé. Oui vous, avez vos petites mains et vos bras musclés.
Contrairement aux principes de réciprocité et de cohérence dont on vient de parler, et qui sont des trouvailles de Robert Cialdini, cet effet Ikea est à porter au crédit de Michael Norton, qui était professeur d’économie à Harvard dans les années 1980.
Ses travaux ont beaucoup porté sur les legos, l’origami et… les meubles Ikea. Son expérience phare décrit le comportement de deux groupes de personnes. Le premier devait assembler des meubles Ikea, et ensuite leur donner un prix. On proposait au deuxième groupe exactement les mêmes meubles Ikea, déjà assemblés, et ils devaient y donner un prix.
Et bien le premier groupe, qui avait sué pour assembler les meubles, leur a ensuite attribué un prix 63% plus élevé que le groupe qui s’était contenté de les estimer.
La règle qui sous-tend cet effet Ikea, c’est que plus on s’investit dans quelque chose, plus on lui donne de la valeur.
Co-construire pour investir
Donc, si vous vous donnez l’opportunité de parler avec votre client le plus tôt possible dans son projet, vous allez aussi lui permettre de co-construire la solution que vous allez lui proposer avec vous. Et plus il travaillera à définir ce que vous devriez lui proposer, plus son désir et la valeur qu’il va y attribuer sera élevée. Et si maintenant votre concurrent débarque à l’appel d’offres avec une solution meilleure et moins chère, tous les signaux émotionnels de votre acheteur le pousseront à la rejeter ! Pour faire simple, vous ne devez pas forcément avoir la meilleure solution, mais celle dans laquelle l’acheteur s’est investi avec vous, entre autres, émotionnellement.
Pourquoi ce principe est-il si souvent oublié ?
J’espère qu’à ce stade vous êtes aussi persuadé que moi qu’il n’est jamais trop tôt pour aller parler avec le client. J’en ai par exemple fait une règle simple avec mes équipes commerciales : dès qu’on relève dans la presse ou sur Linkedin un projet qui se met en branle au niveau macro-économique (une nouvelle centrale électrique, un nouveau parc industriel…), ils doivent prendre rendez-vous avec leur potentiel futur client et offrir leur aide et/ou leurs services. Ce que je peux vous dire, c’est que chez les clients qu’on suit comme ça depuis plus de deux ans, notre position concurrentielle a complètement changé : de fournisseur lambda interchangeable, on est devenus consultants et partenaires. En plein dans le gagnant-gagnant !
Alors pourquoi oublie-t’on si souvent qu’il n’est jamais trop tôt ?
Déjà parce qu’un commercial reste en moyenne 43 mois en poste, et que pour les commerciaux juniors c’est encore pire, avec un départ au bout de 23 mois. Du coup, les directeurs commerciaux privilégient la quantité à la qualité, concentrent leurs forces et le temps de leurs commerciaux sur les appels d’offres, essayent de répondre le plus possible et de chercher du chiffre rapide.
Cette tactique peut faire illusion un temps, si le marché est dynamique, même avec un taux de réussite bas sur les appels d’offres, on peut remplir le carnet de commandes. Mais déjà, quelle inefficacité !
Pourquoi les commerciaux démissionnent ?
Si on se concentre maintenant sur les raisons qui poussent les commerciaux à changer si souvent de poste, on en voit deux se dégager très nettement (et ce bien avant les questions salariales).
Une quête de sens
D’abord, le commercial veut que son travail ait du sens. C’est d’ailleurs plus largement la revendication première de la génération Y (celle née entre la fin des années 70 et le milieu des années 90), qui ne fait depuis que s’amplifier dans la génération Z.
Et quel sens a le travail de commercial, quand il consiste à faire de l’abattage auprès de clients peu réceptifs parce que déjà engagés par ailleurs ? Ça peut contenter les chasseurs, et encore, seulement un temps. En revanche, co-construire une solution avec le client et la « dream team » d’entreprises partenaires qu’il aura constitué, ça, ça a du sens !
Ludique sinon rien !
Ensuite, le commercial veut s’amuser. Et je pense que personne n’aime perdre, ce qui advient bien trop souvent dans cette stratégie de l’abattage. Je l’ai répété plusieurs fois dans les épisodes précédents (les pourquois peuvent être ludiques, trouver le pouvoir c’est jouer au Cluedo…), mais un commercial qui s’amuse, c’est un commercial qui performe et vice versa !
Donnez du temps au temps !
Donc, et je dis ça particulièrement pour les directeurs commerciaux qui m’écoutent, jouez le long terme. Acceptez qu’un nouveau commercial fasse moins de chiffre les deux premières années, le temps de remplir son entonnoir de vente. Vous serez payés dix fois à partir de la troisième année, quand les commandes de vos clients-partenaires tomberont les unes après les autres !
Et pour les commerciaux qui auraient quand même la bougeotte, n’oubliez pas que nous vivons dans un petit monde. Les bonnes relations que vous nouez aujourd’hui, en étant actifs dans les phases amont d’un projet (il n’est jamais trop tôt !) pourront toujours vous servir demain, c’est aussi comme ça que l’on se construit un réseau.
Conclusion
Nous voici au terme de cette série sur les quatre principes fondamentaux d’une vente réussie ! Je vous les rappelle une dernière fois :
- Des humains achètent à des humains
- Les acheteurs prennent des décisions émotionnelles pour des raisons rationnelles
- Vous ne pouvez pas vendre à quelqu’un qui ne peut pas acheter
- Il n’est jamais trop tôt
J’espère que vous avez pris autant de plaisir à écouter cette série que moi à la préparer pour vous ! Que ça soit le cas ou pas, je serais ravi d’avoir vos avis soit dans les commentaires du blog, soit sur vos plateformes de podcast préférées. D’ailleurs, et avant de vous retrouver pour une nouvelle saison, je vous invite à aller noter ce podcast sur Apple Podcasts (5 étoiles c’est cool!), ou à le faire découvrir à un ami ou un collègue. Merci, et à jeudi prochain !
2 réflexions au sujet de “Il n’est jamais trop tôt”
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