Nous continuons d’explorer les 4 principes de la vente réussie, exposés intégralement dans cet article ! Au menu ce jeudi, les décisions émotionnelles que nos clients justifient ensuite par des raisons rationnelles (spoiler: comme nous tous !).
Nous avons vu la semaine dernière que des humains achètent à des humains : il faut donc poser des questions de façon structurée pour aller au delà de la subjectivité de l’acheteur. Il nous faut pour ce faire agir avec empathie, utiliser notre preuve sociale et s’établir en figure d’autorité du sujet.
Partons maintenant du principe que nous nous sommes connectés au besoins profonds du client. Quelle que soit la qualité de la solution que nous allons lui proposer tout au bout de la route, il va nous falloir le convaincre. Et pour le convaincre, nous devons comprendre comment il prend ses décisions !
Nos décisions ont trois niveaux : rationnel, émotionnel et identitaire
Selon le modèle de Maslow…
Vous connaissez sans doute la pyramide des besoins :
Cette pyramide a été établie pas Abraham Maslow dans les années 1940, comme une théorie de la motivation humaine. L’idée, c’est que toutes ces motivations sont toujours présentes en nous, mais que nous « débranchons » les besoins supérieurs de la pyramide, tant que tous les besoins inférieurs ne sont pas atteints.
On va donc d’abord chercher à remplir les besoins physiologiques, puis les besoins de sécurité, puis ceux d’appartenance et d’amour, puis ceux d’estime et enfin ceux d’accomplissement de soi.
Par exemple, si on meurt de faim, on va oublier le besoin de sécurité et prendre tous les risques pour manger. Ou encore, la plupart des élèves ingénieurs vont tolérer le bizutage, puisque leurs besoins d’estime ne se font pas sentir tant que leurs besoins d’appartenance ne sont pas atteints.
… mais simplifié !
Dans notre quotidien de commercial, on va pouvoir simplifier la pyramide en trois étages :
- Le rationnel : un niveau qui va privilégier le prix et les caractéristiques techniques
- L’émotionnel : où l’on parlera de valeur, de crédibilité et de bénéfices
- L’identitaire : le niveau le plus élevé, où le storytelling et l’image font la loi
Tout le monde (se) ment
C’est maintenant que ça devient vraiment intéressant : si vous présentez cette division des niveaux de décision à un client, il acquiescera volontiers. Et s’empressera d’ajouter – dans la plupart de nos métiers techniques – que lui, est un rationnel. Toutes ses décisions seraient logiques, et il ne jurerait que par les caractéristiques techniques. Et puis bon, le prix un peu.
Sauf que ce n’est pas vrai !
95% de nos décisions sont au moins émotionnelles (si pas identitaires). Et nous les justifions a posteriori par des raisons rationnelles.
Les émotions influent sur notre jugement
Je vais tacher de vous démontrer que nous prenons des décisions émotionnelles pour des raisons rationnelles, et ce en deux temps.
On va donc établir ensemble que nos émotions influent sur nos décisions. Vous connaissez tous la métaphore du verre à moitié vide ou à moitié plein ! Selon que l’on voit le bon ou le mauvais côté des choses (émotions positives ou négatives), on va interpréter différemment le fait que, rationnellement, 50% du volume du verre soit occupé par de l’eau.
Maintenant poussons la logique un peu plus loin. Mettons que vous soyez médecin et que je vous propose le dilemme suivant.
Exercice – le détecteur de psychopathes
Énoncé 1 : Vous pouvez soit sauver 200 personnes à coup sur, soit sauver 600 personnes mais avec seulement une chance sur trois de réussir. Que faites-vous ?
Cette formulation, placée sous l’angle du gain et faisant appel à votre aversion du risque devrait vous amener à choisir de sauver les 200 personnes à coup sur. Voyons une seconde version :
Énoncé 2 : Vous pouvez soit tuer 400 personnes à coup sur, soit 600 personnes, mais avec uniquement deux chances sur trois que ça arrive vraiment. Que décidez-vous ?
La question étant cette fois présentée sous l’angle des pertes, vous devriez sans doute opter pour l’option dans laquelle vous tuez 600 personnes, mais seulement deux fois sur trois.
Qu’est-ce que cette expérience nous apprend ? Que vous êtes apparemment un très mauvais médecin. Mais plus sérieusement, surtout, que vos émotions inversent deux décisions, quand bien même rationnellement elles sont rigoureusement identiques : nos décisions sont émotionnelles.
Ce qui se passe vraiment dans votre tête : l’émotionnel est le vecteur du subconscient vers le rationnel
Des recherches scientifiques se sont intéressées aux zones qui « s’allument » dans notre cerveau quand nous prenons des décisions.
Ces IRMs ont montré qu’au moment d’une décision, notre amygdale s’allume avec la même intensité qu’une guirlande en décembre ! Or, c’est là une région du cerveau impliquée dans nos réactions émotionnelles.
Une décision subconsciente
En réalité, notre décision émotionnelle est encore plus profonde que ça : nous prenons des décisions subconscientes – souvent sur le plan identitaire – qui se traduisent ensuite en émotions – et allument notre amygdale si vous suivez bien – afin de véhiculer l’information jusqu’à notre système conscient.
Notre système conscient va ensuite prendre le relais pour chercher des raisons rationnelles à cette décision intrinsèquement déjà prise, pour verbaliser et n’enregistrer que ces éléments rationnels.
Première conclusion :
Nous prenons généralement nos décisions pour deux raisons : la bonne raison, et la vraie raison.
Comment appliquer ce principe en entretien de vente ?
Avant tout, nous devons nous mettre en quête des émotions qui gouvernent notre interlocuteur. Comme on l’a vu dans notre épisode sur les humains qui achètent à des humains, qui dit quête dit questions. Et qui dit questions dit méthode !
On va donc transcrire le rationnel et l’émotionnel en questions. Les questions qui adressent le rationnel, sont en général « quoi ? » ou « comment ? ». Mais si on veut parler à l’émotionnel, on doit demander « pourquoi ? ».
Il est donc primordial de commencer par demander pourquoi !
Avec le « pourquoi », on va donner un sens à la problématique de notre client, qu’on cherchera ensuite à faire résonner jusque dans notre solution. Et ce « pourquoi » va unir les causes de l’acheteur et du commercial, qui vont partager la même « mission ». Ce qui va les relier par un sentiment d’appartenance.
Le « pourquoi » renforce votre position concurrentielle
Qu’arriverait-il si au lieu de parler au « pourquoi » vous ne répondiez qu’au « quoi » ? Vous seriez alors un produit parmi d’autres. Parfaitement remplaçable, et sans doute remplacé par moins cher.
Votre situation s’améliorerait déjà en ajoutant le « comment », qui vous donnerait le bénéfice du système, voire du package. Vous resteriez malgré tout remplaçable, pour peu que quelqu’un ait une meilleure idée, ou encore une fois un meilleur prix.
Vous l’avez compris, il n’y a qu’avec le « pourquoi » que vous pouvez vraiment garantir que votre vision et celle de votre client se sont rencontrées. Que vous partagez un sens commun, voire une mission ! Que vous comprenez le niveau auquel les décisions émotionnelles seront prises (et ensuite justifiées par les niveaux intermédiaires de raisons rationnelles).
Comment commencer par le « pourquoi », en pratique ?
Quelle que soit la raison pour laquelle vous menez aujourd’hui ce rendez-vous commercial, partez du bon pied : demandez pourquoi.
Peut être avez-vous pris l’initiative de cette rencontre, mais votre interlocuteur l’a acceptée : demandez pourquoi.
Peut être le client a-t’il déjà exploré de nombreuses options et emmagasiné beaucoup de connaissances (on estime aujourd’hui que 60% du parcours d’achat se fait avant la première interaction avec un commercial !). Vous devez comprendre ce qui vous a amené dans cette pièce et, vous l’aurez compris, demander pourquoi.
Et surtout, ne vous arrêtez pas à la première réponse ! Oh, elle sera vraie sans doute, mais elle se situera probablement tout en bas de la pyramide des besoins dont nous parlions au début de cet épisode. Vous allez devoir remonter, pour atteindre les étages émotionnels !
Quelques exemples pratiques
La théorie veut qu’au bout de cinq « pourquoi ? » vous arriviez au nœud du problème et à l’étage émotionnel. A vous ensuite d’avoir la finesse d’analyse et de jugement pour voir si vous êtes arrivés à destination avant, ou si vous devez continuer de poser des questions.
Voici un exemple :
« Mes coûts d’exploitation sont plus élevés que prévu »
- Pourquoi ? – Je dois utiliser 20% d’électricité en plus.
- Pourquoi (devez-vous payer 20% d’électricité en plus) ? – Je dois faire tourner ma pompe plus souvent que prévu
- Pourquoi (…) ? – Je n’avais pas toutes les informations sur mon débit au moment de la conception de mon installation
- Pourquoi ? – Je n’ai pas fait calculer par un expert les besoins de mon process
- Pourquoi ? – Je n’ai pas trouvé d’expert dans ce domaine (la cause profonde).
Ça n’a pas l’air très émotionnel, et je vous ai volontairement pris un exemple de ce type. En réalité, le désir d’expertise prouve que notre client imaginaire a besoin d’être rassuré (sécurité) ou a besoin de tranquillité (confort). Ce sont aussi des émotions, peut être même les plus fortes, ne l’oubliez pas !
Je ne vais pas vous noyer d’exemple fictifs, mais faites l’essai, chez vous par exemple avec vos proches. Vous verrez que cette formule « magique » des 5 pourquoi fonctionne.
Cette pratique du « pourquoi » est d’ailleurs si puissante, qu’on la retrouve comme méthode de résolution de problèmes dans la plupart des systèmes qualité. Elle a été mise au point par Sakishi Toyoda, fait donc partie du Toyotisme, mais aussi du Kaizen, du lean manufacturing ou du Six Sigma.
Glisser des « pourquoi » dans l’entretien
La méthode subtile
Pour la mettre en oeuvre, vous pouvez choisir de l’habiller élégamment dans vos questions d’approfondissement. Vous entrez donc en matière avec votre question ouverte, qui va vous fournir la piste de question pertinente pour entrer dans votre « tunnel de pourquoi ». Et quand vous voyez la lumière au bout, avec une racine profonde, vous reformulez et vous vous faites confirmer que vous avez bien compris.
Vous vous ouvrirez ainsi les portes du niveau des décisions émotionnelles et reviendrez sur les étapes du pourquoi pour relever les balises des raisons rationnelles.
La méthode ludique
Une autre façon de faire, qui demande un certain tact, c’est de la placer après votre reformulation. Vous ouvrez, approfondissez, et reformulez. Le client l’assure, vous avez touché son vrai problème. Mais maintenant vous lui proposez de jouer :
- « Bon, on a peut-être bien trouvé ensemble le nœud du problème, mais votre temps est précieux, et vous voulez sans doute qu’on le résolve au plus vite. Alors juste pour être sur, et parce que ça m’est encore arrivé la semaine dernière à votre voisin Monsieur Dupont de partir dans la mauvaise direction, je voudrais qu’on vérifie ensemble. Vous connaissez la méthode des 5 pourquois ? Elle a permis a Sakishi Toyoda de construire en un demi-siècle le plus grand constructeur automobile au monde, j’ai hâte de mesurer avec vous les bénéfices qu’elle peut avoir sur la résolution de votre problème ! »
Et derrière, vous commencez à dérouler les Pourquoi. Cette approche a le grand avantage d’être ludique. Elle vous permet de raconter une petite histoire qui fera briller votre interlocuteur à son prochain dîner. Et elle va aussi vous donner une formidable occasion de démontrer votre expertise, en posant les bons « pourquoi » : finement exécutée, cette façon de procéder peut être le début d’une longue relation gagnant-gagnant entre cet acheteur et vous !
La méthode « moins de cinq ans » (à éviter)
En définitive, le seul écueil à éviter, c’est de ne pas faire comme ma fille de quatre ans, qui demande pourquoi sans essayer de comprendre pourquoi elle demande pourquoi !
Sur cette mise en abyme il est temps de conclure.
Conclusion
Puisque le client B2B est un humain comme un autre, on peut pleinement lui appliquer la pyramide des besoins de Maslow. Partant du principe que notre produit, solution ou service remplira par défaut les attentes rationnelles du client, nous devons identifier les leviers de ses décisions émotionnelles pour être certains de répondre à ses besoins profonds et de résoudre son vrai problème. Pour garantir notre réussite commune – puisqu’on cherche toujours le gagnant / gagnant avec l’acheteur – on commencera par répondre au « Pourquoi ? » et même à la série des 5 pourquois, comme on vient de le voir.
Et surtout n’oubliez pas : au stade de l’entretien où on se trouve après ces deux premiers principes fondamentaux de la vente réussie, on est encore loin de parler de solution avec le vendeur. D’abord, on doit terminer le diagnostic, comme docteur House.
Mon appel à l’action émotionnel…
Alors pour conclure, si cet épisode vous a plu, je vous invite à aller le noter sur votre plateforme de podcasts préférée ! Si vous me mettez 5 étoiles, vous m’aiderez grandement à faire grandir ce podcast. Pourquoi ? Parce que les auditeurs sont sensibles à la preuve sociale – comme ici, les 5 étoiles. Pourquoi ? Parce que c’est un des leviers de persuasion les plus efficaces. Pourquoi ? Parce qu’il se réfère à notre besoin d’appartenance. Pourquoi ? Parce que c’est une réminiscence du tribalisme (comme l’a montré Robert Cialdini, et je vous en parlerai sans doute dans un podcast futur !) et enfin pourquoi ? Parce que c’est un pas de plus vers le besoin d’accomplissement, qui est ma mission vis à vis de tous les ingénieurs qui développent leur compétence commerciale avec moi.
… auquel vous pouvez répondre de façon rationnelle !
Comme d’habitude, je lis tous vos commentaires avec grand plaisir, que ce soit ici ou sur les plateformes de podcasts. « Les acheteurs prennent des décisions émotionnelles pour des raisons rationnelles » comment appliquez-vous ce principe dans votre quotidien ?
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