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Comment l’industrie du diamant a multiplié ses ventes par 100 en 40 ans ?

Il se vendait pour 23 millions de dollars de diamants aux Etats-Unis en 1939. En 1979, l’industrie du diamant faisait un chiffre de 2.1 milliards. Alors comment est-ce qu’on multiplie ses ventes par 100 en 40 ans ? C’est ce qu’on va voir, en explorant le biais d’ancrage.

Les biais cognitifs vous intéressent ? Allez donc faire un tour sur ce dossier !

Ancrage d’une tradition : l’alliance de mariage

On s’échange des alliances aux mariages depuis la Rome Antique. C’est rond, ça n’a pas de fin, le symbole par excellence de l’amour éternel. Bon très bien. Mais ce qu’on sait peut être moins, c’est que jusqu’à la 2ème guerre mondiale, les alliances étaient souvent en ivoire, en cuir, en or, en argent ou encore ornées de rubis pour l’amour passionné ou d’émeraude pour l’espoir. Mais assez rarement finalement, de diamants : la part de marché de la plus célèbre des pierres précieuse était de l’ordre de 10%.

Le truc, c’est que ça embêtait pas mal De Beers, qui avait une position de quasi monopole sur le commerce de diamants. Ca sert à quoi de dominer un marché, s’il y a pas de marché ? Du coup, ils ont fait appel à une agence créative qui leur a donné deux idées géniales. La première, vous la connaissez certainement. Mais celle qui a fait faire la grimace à tous ceux qui ont déjà du acheter une alliance au moins une fois dans leur vie, c’est un secret bien gardé.

Celle que vous connaissez, c’est un slogan simple, qui a donné son nom à un James Bond: les diamants sont éternels. Utilisé dans toutes les pubs De Beers depuis 1948, le slogan a été consciensieuement nourri par un plan com’ digne des campagnes d’influence Instagram. Stars Hollywoodiennes, créateurs de mode, histoires d’amour, tout a été utilisé pour imprimer dans l’inconscient collectif qu’un amour éternel avait besoin d’une pierre éternelle.

L’ancrage : une idée marketing géniale

Sauf que la toute-puissance de De Beers reposait sur un mensonge fondateur : les diamants sont rares. Faux : depuis que les anglais ont ouvert de grandes mines de diamants en Afrique du Sud à la fin du 19ème siècle, c’est devenu une pierre presque commune. Bien sur, ça n’empêche pas de jouer sur le biais de rareté – on va en reparler – mais ça suffit pas. Du coup, dans les années 40 à New York, on trouvait des petits diamants pas très beaux mais très bon marché.

C’est là qu’entre en jeu notre fameux secret marketing : l’utilisation du biais d’ancrage.

Tout l’effort de com’ autour des diamants éternels a fait de la décision d’achat d’une alliance un acte identitaire. Vous êtes cool, branché, et éternellement amoureux ? Achetez un diamant.

Mais il manquait un prix. Ca coûte combien un diamant, vous le savez, vous ? De Beers va répondre à la question : un mois de salaire. Pas un vulgaire prix fixe, non : un impact émotionnel. Tu m’aimes combien ? Seulement deux semaines de salaire ? T’as beau gagner un salaire de basketteur, apparemment tu m’aimes pas assez !

En 1980 ils sont passés à la vitesse supérieure en disant que c’était même 2 mois de salaire qui devaient y passer. Et au Japon, De Beers a poussé le bouchon jusqu’à 3 mois !

Pourquoi ? Parce que grâce au biais d’ancrage, ils pouvaient écrire dans nos cerveaux que ça devait coûter cher. Mais alors c’est quoi, ce biais d’ancrage ?

Biais d’ancrage : l’expérience originelle

Pour comprendre, on va s’intéresser aux travaux d’Amos Tversky et de Daniel Kahneman. Les deux psychologues ont réalisé en 1974 une expérience très surprenante. Ils ont truqué une roue de la Fortune, pour qu’elle tombe soit sur 10, soit sur 65. Les cobayes devaient la faire tourner, et une fois qu’elle s’était arrêtée, ils répondaient à une question qui n’avait rien à voir du tout. Quelle est la proportion de pays africains à l’ONU ?

Quand la roue s’était arrêtée sur 10, ils répondaient en moyenne que c’était 25%. Et si la roue s’était arrêtée sur 65, ils répondaient, toujours en moyenne, 45%. Presque le double !

En fait, ce qui se passe dans notre tête, c’est qu’on s’ancre sur un chiffre – par exemple 65. Ensuite on nous pose une question, du coup notre cerveau se met en marche, et si on regarde ce qu’il fait au ralenti, en fait ça se passe comme ça. 65% ? Non c’est trop. 60? Non, encore trop. 55? 50? Mmmmh, non. 45 ! Et inversement, si on ancre au départ à 10.

Vous allez me dire : OK, personne ne sait quelle est la vraie proportion. Donc ils ont opté pour une attitude « Trivial Pursuit » en donnant un truc peu ou prou au milieu, ancré par un chiffre bidon. Pour info, j’ai calculé, c’est 29%.

Mais qu’est-ce qui se passe, si on s’y connait un peu mieux, sur le sujet de la question ?

On peut ancrer un prix, même sur des experts

C’est la question que se sont posés Gregory Northcraft et Margaret Neale de l’Université d’Arizona. Ils ont recruté deux panels d’agents immobiliers expérimentés, et ils leur ont fait visiter une maison à Tucson qu’ils devaient estimer. Ils pouvaient inspecter le logement dans le moindre détail, et ils recevaient un joli dossier bien complet, qui leur fournissait toutes les infos utiles.

La seule différence entre les deux panels, c’est que pour le premier, le prix indiqué était de 65’900$, alors que pour l’autre, il était annoncé à 83’900$. Résultat, les agents qui voyaient le prix le plus bas estimaient la maison en moyenne à 67’800$, contre 75’200 pour les autres. Ce qui fait un écart de plus de 11%, juste par la grâce du biais d’ancrage.

Le biais d’ancrage, appliqué à la vente

Vous allez pas pouvoir y échapper à moins de vivre sur Mars, c’est bientôt le Black Friday. Donc, on va voir fleurir les promos. Mais c’est quoi finalement une promo ? C’est une réduction sur la base d’un prix de départ. En gros, on nous vend pas un nouveau t-shirt pour 60€, mais on nous l’ancre à 100€, on barre le prix, et on offre 40% de remise. Le résultat est le même évidemment, mais la valeur perçue est bien meilleure.

On peut prendre un exemple plus éthique : les restaurants solidaires. Vous en avez peut être déjà entendu parler, c’est des restaus où il y a pas de prix fixe, chacun paye ce qu’il veut. Si on a les moyens, on met un peu plus, comme ça quelqu’un de plus pauvre pourra manger gratuitement, et l’aubergiste s’y retrouve.

Sauf que, si on laisse juste le client se débrouiller, ça fonctionne pas : vous le connaissez vous, le prix de revient du tartare de boeuf ? Du coup, ce qu’ils font c’est qu’ils éditent des tickets, avec un prix recommandé. Et ce prix fait ancrage dans l’esprit des clients, si bien que plusieurs études ont montrés que ces restaurants avaient des marges supérieures à la moyenne du marché. Vous voyez que la vente peut être vertueuse !

Choisissez la comparaison

On en a déjà parlé avec l’effet Von Restorff et le biais de contraste : vous avez tout intérêt à proposer des comparaisons, et plusieurs variantes d’un produit, à plusieurs prix.

Mettons que vous vendiez des télés. Vous pouvez proposer un premier modèle, avec un écran 56 » à 1’200€. Et un deuxième, avec un écran 52 » à 800€. Comme vous ancrez le prix d’une télé à 1’200€ avec le premier choix, votre client va ensuite faire un rapport fonctions/prix, et il va probablement se dire que 400€ d’écart pour 4 » de différence c’est beaucoup, et acheter le 2ème modèle.

D’ailleurs, on est tous des animaux prudents. On aime pas – de manière générale – les extrêmes. C’est pour ça que les cafés les plus vendus sont les cafés moyens, loin devant les grands et les petits. Du coup, c’est toujours intéressant d’avoir trois offres, une qui ancre par le haut, une qui ancre par le bas, et celle qu’on veut vraiment vendre, au milieu.

Et mettons que vouliez acheter un costume et une chemise. Si le vendeur est malin, il va d’abord vous faire choisir le costume. Parce qu’en ancrant votre virée shopping aux alentours des 500€ avec ce premier achat, il va faire apparaître la chemise à 40€ comme une futilité. Et ensuite, vous proposer une ceinture, des chaussures ou une cravate.

C’est la même histoire avec les vendeurs de voiture : ancrage avec l’achat du modèle. Et une fois qu’on a bien négocié le prix de base de notre 3008, ils commencent à nous vendre les options. Quand on a intégré qu’on va sortir 45’000€, on va pas mégoter sur quelques centaines d’euros pour des sièges massants, pas vrai ?

On peut ancrer autre chose que le prix !

D’ailleurs, il y a pas que le prix qu’on peut ancrer. Sur un gros projet, on peut ancrer dans l’esprit du client que la durée moyenne des chantiers est de 2 ans – et ensuite, quand il négociera pour que ça aille plus vite, il nous demandera d’exécuter en 18 mois, pas en 6 semaines !

De façon encore plus terre à terre, cet ancrage c’est aussi la raison pour laquelle il y a des plats du jour dans les restaurants. Comment se décider entre des prometteuses carbonara ou un gratin de quenelles ? Tiens, on nous ancre que ce mois-ci il y a une délicieuse tartiflette. Ca simplifie les choix et ça évite une scène de ménage !

Biais d’ancrage : Conclusion

Finalement, que notre cerveau ait un point de repère – comme chez nos agents immobiliers – ou qu’il en ait pas – ça coûte combien un diamant ? – on peut l’influencer en ancrant un ordre de grandeur. Du coup, la prochaine fois – au hasard aux prochaines soldes – qu’on vous mettra un prix sous le nez, suivi d’une remise imbattable, offrez-vous un temps de réflexion.

Oui, l’ancrage est très puissant, mais il a un point faible : quand on prend le temps de l’analyser, on arrive à lire entre les lignes si c’est une arnaque ou pas. C’est bien pour ça qu’il est souvent associé à l’urgence !

Ancrage + Urgence = grosses ventes !
Mais ça, c’est une autre histoire !

Vous avez consacré 6 minutes à cet épisode : et si vous preniez 15 secondes de plus pour le partager avec un ami, un proche ou un comptable ? Ces tous petits 4% de temps en plus m’aident énormément, alors je compte sur vous ! A bientôt.

Vous voulez devenir commercial ? Je vous aide (gratuitement) à construire votre carrière sur des bases saines (et performantes) !


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