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L’erreur fondamentale d’attribution : Bons samaritains ou enflures, les séminaristes ?

L’erreur fondamentale d’attribution est un biais cognitif qui nous impacte tous les jours, et pourtant est-ce qu’on y fait vraiment attention ? Sans doute pas. Pour le résumer en une phrase : on surestime l’importance de la personnalité pour expliquer un comportement, sans tenir compte du contexte.

Je vous rappelle que ce focus fait partie de mon dossier sur les biais cognitifs, appliqués à la vente, que vous pouvez retrouver ici.

La découverte de l’erreur fondamentale d’attribution

La première mise en évidence formelle de ce biais cognitif est l’oeuvre de deux psychologues de Princeton en 1977, John Darley et Daniel Batson.

Pour les besoins de leur expérience, ils ont fait appel à 40 séminaristes, qu’ils ont soumis à un premier sondage. Celui-ci permettait de déterminer s’ils voulaient devenir prêtres plutôt pour le salut de leur propre âme ou pour aider leur prochain.

Mais ça ne s’arrêtait pas ici ! Les participants étaient ensuite envoyés dans un autre bâtiment situé à cinq minutes de marche, pour un deuxième entretien. Un premier tiers des candidats étaient informés qu’ils étaient déjà en retard sur le planning, et qu’ils devaient se dépêcher. On disait au deuxième tiers qu’ils étaient tout pile dans les temps, mais qu’il valait mieux ne pas trop trainer en chemin. Et enfin, le troisième tiers était informé qu’ils avaient un peu d’avance, qu’ils pouvaient se mettre en route mais qu’ils auraient sans doute à attendre un peu à l’autre bout.

Dernier twist de l’expérience : sur le chemin de nos séminaristes, un complice des chercheurs était affalé sous un porche, apparemment évanoui.

Vous vous en doutez, c’est là-dessus que portait l’étude des psychologues. Est-ce que les apprentis-prêtres allaient s’arrêter pour aider leur prochain en détresse ?

Les séminaristes sont-ils plus à même d’aider leur prochain ?

Et bien, au total, 40% d’entre eux l’ont fait. Mais ils étaient que 10% parmi le groupe pressé par le temps contre 45% parmi ceux tout juste à l’heure et 63% de ceux qui avaient tout leur temps.

Et il était impossible de trouver une corrélation entre le choix de s’arrêter pour aider l’homme en détresse, et les raisons fondamentales des séminaristes de s’orienter vers une carrière de prêtres – qu’elles soient égoïstes ou altruistes.

Juger ces futurs hommes d’église sur leur choix de porter assistance au complice des chercheurs serait donc fondamentalement faux : le facteur clé ici étant le contexte. (vous venez de la reconnaître : c’est l’erreur fondamentale d’attribution !)

L’erreur fondamentale d’attribution à l’oeuvre aujourd’hui

Je vous propose de faire une ellipse temporelle, pour monter en voiture ensemble et aujourd’hui – c’est vous qui prenez le volant.

On aborde un rond-point : une voiture est déjà en train de tourner dessus. Comme elle n’a pas son clignotant enclenché, vous vous arrêtez pour la laisser passer. Mais le conducteur sort quand même du rond-point : vous avez freiné pour rien. En plus, le conducteur est une conductrice, la cinquantaine passée. Vous soufflez un « OK Boomer » et pensez à voix haute que, décidément, cette génération devrait repasser son code, et probablement aussi son permis.

Boomer Alert: cette réaction serait une erreur fondamentale d'attribution.
Allégorie : Vous, à cet instant, surestimant l’importance de la personnalité par rapport au contexte. (vous avez vu comme je vous juge ?)

Un peu plus tard, vous vous retrouvez sur un autre rond-point. Votre GPS vous dit d’aller tout droit, mais en commençant à tourner, vous voyez qu’il y a un panneau à la première sortie qui indique votre direction. Vous décidez donc de sortir au dernier moment, sans mettre votre clignotant. Vous croisez le regard réprobateur du conducteur arrêté dans l’autre sens. Et en plus de le trouver désagréable, vous pestez contre cet idiot de GPS qui vous donne toujours des mauvaises indications.

Cette double anecdote ne dit pas que vous êtes un monstre de mauvaise foi – on se connait pas, je vais pas vous juger comme ça ! Elle montre simplement que vous avez attribué un comportement à une personnalité plutôt qu’au contexte. C’est un tout petit exemple insignifiant d’erreur fondamentale d’attribution, mais il se répète inlassablement !

Quelques applications concrètes de ce biais cognitif

En tant que vendeurs, il y a deux façons d’utiliser notre connaissance de l’erreur fondamentale d’attribution : sur nos prospects, et sur nous-mêmes.

Pour commencer, quand un prospect vous dit qu’il a pas beaucoup de temps, plutôt que de faire vite et de vous précipiter pour faire tenir en 10 minutes ce qui normalement en prendrait 20, vous feriez mieux de battre en retraite poliment. Utilisez ces 10 minutes pour sortir votre agenda (ou votre Smartphone, on est en 2020, c’est qui le Boomer maintenant ?), et reprogrammer un entretien, quand il aura le temps.

Si vous ne faites pas ça, pour commencer, votre prospect n’imprimera pas ce que vous lui dites. Une étude de CBS et TNS a par exemple comparé ce que deux groupes de cobayes retenaient d’affiches publicitaires. Les premiers ne faisaient que passer devant en marchant lentement dans un couloir, alors que les seconds restaient assis devant pendant 3 minutes dans une salle d’attente. Résultat ? Le deuxième groupe retenait 4 fois plus de détails, se rappelait 6 fois plus souvent de la publicité, et 14 fois plus souvent de la marque. Spectaculaire comme différence non ?

Le corollaire, c’est que votre prospect ne retiendra rien de votre discussion, à cause de sa contrainte de temps. Mais il pensera quand même que, si votre produit, service ou solution était SI BON, ou que vous étiez une SI GRANDE source de valeur, il aurait sans doute retenu ce que vous aviez à dire. Et du coup c’est vous et votre produit qui ressortirez coupables, pas sa réunion avec Jean-Jacques dans 10 minutes qui lui fait regarder sa montre frénétiquement.

2ème application de l’erreur fondamentale d’attribution : à nous mêmes !

Il y a une autre application de notre connaissance de ce biais cognitif, cette fois sur nous. En entretien, on peut être amenés à juger ou à supposer, sur la base de la personnalité de notre interlocuteur. Et du coup, à sous-estimer le contexte, soit de ses projets passés, soit de sa boite au sens large ou encore tout simplement de la chance et des concours de circonstances.

La connaissance du risque que représente ici l’erreur fondamentale d’attribution, va nous permettre de poser de meilleures questions, et de ne jamais supposer – parce que quand on suppose, souvent on se plante.

Tiens d’ailleurs, maintenant que j’y pense, il y avait encore un twist dans l’expérience de départ des psychologues de Princeton.

L’épilogue de l’expérience originelle

Vous vous rappelez qu’il y avait trois groupes de séminaristes qui partaient pour un entretien dans un autre bâtiment, pas vrai ? Et bien, ces apprentis-prêtres connaissaient le sujet de cet entretien à l’avance. Dans chaque groupe, la moitié d’entre eux allait être interrogée sur le meilleur job possible pour de jeunes diplômés. Et l’autre moitié sur la parabole du bon samaritain.

Je voudrais pas transformer notre étude de l’erreur fondamentale d’attribution en cours de catéchisme, mais pour rappel, le bon samaritain vit une expérience assez similaire à celle de nos apprentis-prêtres. Son chemin croise celui d’un voyageur laissé pour mort par des bandits. Et malgré sa condition et sa différence de religion avec le malheureux voyageur, il va lui venir en aide.

Si même moi je la connais, il y aucun doute sur le fait que nos séminaristes connaissaient la parabole. Donc, ça aurait pu influer sur leur contexte, et intuitivement on s’attendrait à ce que ceux qui courent discuter du Bon Samaritain dans l’autre batiment s’arrêtent plus que ceux qui vont parler orientation des jeunes diplômés. Et ben, pas du tout !

Les chances de voir un apprenti prêtre aider le gars évanoui sous son porche sont rigoureusement identiques, peu importe le sujet de l’entretien qui les attend.

Ce que ce dernier twist révèle

Et alors, me direz-vous ?

Vous voyez qu’ici, un élément de contexte (le sujet de discussion) n’a aucune influence, alors qu’un autre (la contrainte temporelle) a un pouvoir presque absolu sur la réaction de nos cobayes. Donc, on a une sorte de double erreur fondamentale d’attribution.

Mind Blowing ? Oui, on en est à la DOUBLE erreur fondamentale d'attribution !
Mind Blowing ? Oui, je sais.

Concrètement, ça nous invite surtout à la plus grande objectivité possible, quand on explore la situation d’un prospect. Et ça nous invite à ne jamais tirer de conclusion hâtive, et à toujours garder un regard aussi objectif que possible sur l’action de nos interlocuteurs et sur le contexte.

Conclusion

Allez, c’est tout pour l’instant, et on se retrouve très vite pour explorer ensemble un autre biais cognitif. Si vous avez appris quelque chose aujourd’hui, rendez service à vos proches, vos amis ou même un comptable et partagez cet épisode ! Et si vous trouvez que j’ai raconté n’importe quoi, venez m’insulter en commentaires. A bientôt !

Vous voulez devenir commercial ? Je vous aide (gratuitement) à construire votre carrière sur des bases saines (et performantes) !


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