fbpx

Le biais de contraste ou l’art de savoir se comparer

Est-ce qu’il vaut mieux être un gros poisson dans une petite rivière, ou un petit poisson dans l’océan ? Fondamentalement, notre taille ne change pas. Ce qui change, c’est ce à quoi on est comparés. Sauf qu’une fois on sera un saumon, et l’autre un poisson rouge : c’est le biais de contraste.

Cet épisode fait partie de ma série sur les biais cognitifs appliqués à la vente que vous retrouvez ici.

Mise en évidence expérimentale du biais de contrate

Cette fois, je ne vous propose pas d’expérience historique, simplement parce que l’expérience vous pouvez la faire chez vous !

Il vous faut trois grands saladiers – et dans mon cas un cobaye, ma fille. Dans le premier saladier on va mettre de l’eau froide. Dans le deuxième, de l’eau chaude – bon, pas trop chaude non plus, on veut pas s’ébouillanter ! Et enfin, dans le troisième, on va mettre de l’eau tiède.

L’expérience commence ensuite. On plonge la main droite dans l’eau chaude, et la main gauche dans l’eau froide. Et on attend un peu. Ensuite, on plonge les deux mains dans le saladier du milieu : celui qui contient de l’eau tiède.

Et là, on regarde la tête de notre cobaye (ou la votre, si vous n’avez pas d’escl… euh, d’enfant).

En fait, c’est au niveau des mains que ça se passe : celle qui était au froid, trouve que l’eau tiède est vachement chaude. Et celle qui était au chaud trouve au contraire que l’eau tiède est drôlement froide. Nos sens se contredisent.

Pourquoi ? Tout simplement parce que nous ne jugeons pas les choses en absolu mais par comparaison. C’est notre biais de contraste.

Le biais de contraste, au quotidien

Ce biais, c’est en fait un de ceux qu’on rencontre le plus souvent. On regarde de la télé-réalité ou confessions intimes parce qu’on se sent intelligents, par contraste. Ou on déprime à chaque fois qu’on ouvre Instagram en voyant que tout le monde vit une vie incroyable et pleine de paillettes alors que nous, on va encore se taper une réunion avec Jean-Jacques.

Ce biais de contraste se retrouve dans les illusions d’optique :

le biais de contraste appliqué aux illusions d'optique
Alors, c’est lequel le plus grand cercle noir ?

… et si vous avez récemment regardé un best-off des scènes coupées de Gollum dans le Seigneur des Anneaux, votre femme ou mari doit d’un coup vous apparaître encore plus sexy.

Première application du biais de contraste à la vente

Un exemple courant d’utilisation du biais de contraste, nous vient du monde de l’immobilier. L’agent immobilier vous fait visiter des maisons assez moches et plutôt chères, pour qu’ensuite par contraste, vous trouviez jolie la maison qu’il veut vraiment vous proposer, et que vous appréciez son rapport qualité-prix.

C’est aussi ce qu’on retrouve dans les supermarchés, quand vous pouvez choisir entre le gruyère rapé premier prix, et sa variante de marque, affinée en cave spéciale. Ce double contraste, rend le fromage de marque distributeur d’un seul coup extrêmement attirant : moins cher que la marque, probablement meilleur que le premier prix, il atterrit dans votre panier.

En fait, ce qui compte à ce stade, c’est pas de se présenter sous son meilleur jour, mais d’être entouré des bons points de repère, pour que la comparaison nous soit favorable.

Le problème c’est que, concrètement, il n’est pas toujours évident de choisir qui se trouve autour de vous à un instant donné. Et souvent, quand on cherche à faire jouer le biais de contraste en dernière minute, on a pas beaucoup de leviers à disposition, donc on joue sur le prix.

Deuxième application du biais de contraste : soyez malins !

L’important en fait, c’est de choisir stratégiquement en amont à qui on veut être comparé. Voyez l’exemple de Nespresso. Maintenant, c’est bien ancré parce que ça fait 20 ans que ça dure, mais quand ils sont arrivés au tournant des années 2000 avec leurs capsules, ça aurait pu tourner à la catastrophe industrielle.

Je vous dis ça de façon dépassionnée hein, personnellement je ne bois pas de café. Mais si vous comparez une capsule Nespresso à 50 cents à un sachet de café Grand Mère à 5€, ramené au gramme de café, ça nous place Nespresso à peu près 7 ou 8 fois plus cher. Même toute la pub du monde ne peut pas compenser un contraste si tranché.

Mais là où Nestlé a fait fort, c’est qu’ils ont pas positionné leur café comme un concurrent des autres cafés que vous pouvez faire chez vous. Non, ils l’ont vendu comme un égal – voire une amélioration – du café qu’on vous sert au comptoir. Et là du coup, le biais de contraste jouait en leur faveur.

Ce qu’on peut retenir de cette stratégie c’est : si le contraste dans votre gamme ne vous est pas favorable, essayez de jouer dans une autre.

Mais parfois, on peut aller encore plus loin.

Si vous ne gagnez pas sur un tableau, changez de tableau

Autant je bois pas de café, autant je suis probablement six fois au dessus des doses recommandées, pour ce qui est des boissons énergétiques. Du coup, ça me donne l’exemple parfait pour illustrer mon dernier point.

Quand RedBull a été fondé en 1987, le marché du soda en canette était ultra-dominé par Coca Cola. Dans ce contexte, réussir à trouver un contraste favorable par rapport à un monstre pareil, c’était tout sauf évident. Si en plus vous ajoutez qu’une canette de RedBull coûte probablement le triple d’une cannette de Coca, vous voyez le problème.

C’est là que les autrichiens ont eu une idée géniale. Plutôt que de passer des millions en pub – bon, ils les ont mis quand même hein, vous inquiétez pas pour eux – simplement pour persuader le consommateur qu’ils étaient meilleurs sur certains plans que le géant d’Atlanta, ils ont décidé de créer leur propre référence.

Pour ça, ils ont lancé une canette de 25cl au lieu de 33cl. Imaginez la stratégie : en donner encore moins, toujours pour le triple du prix. Mais en fait, ça envoie un message complètement différent ! Maintenant ce n’est plus une canette de soda. C’est un truc nouveau. Et ils ont mis un nom dessus : c’est une boisson énergétique. (si j’ajoute que ça donne des ailes, vous m’en envoyez une palette ?)

La leçon à retenir pour nous, petits vendeurs c’est : plutôt que de laisser un acheteur nous comparer en dernier recours à nos concurrents directs, probablement sur le prix, peut être sur notre délai de livraison, on peut choisir proactivement d’identifier avec lui un problème qu’il veut résoudre, et de se comparer aux solutions traditionnelles.

Conclusion

Pour tirer le meilleur parti du biais de contraste, vous pouvez vous placer face à une concurrence qui vous met en valeur. Ou vous pouvez choisir de bien vous maquiller, pour aller jouer une gamme au dessus ou en dessous. Ou enfin, vous pouvez créer un tout nouveau paradigme et partir sur une stratégie d’océan bleu.

Tiens, une dernière astuce pour la route : rien ne vous interdit d’être votre propre concurrent, pour appliquer le biais de contraste à vous même. Je vais pas rentrer dans le détail aujourd’hui, mais regardez autour de vous : combien de marques vous proposent plusieurs gammes d’un même produit (« pro », « premium », « platinum »…) ? Eh ben je vous parie qu’au moins une de ces gammes – si pas plusieurs – sont là uniquement pour rendre les autres plus sexy. Grâce au biais de contraste.

Tiens, vous voulez paraître super calés par contraste avec vos amis ? Partagez leur cet épisode ! Et faites la même chose avec vos proches ou… un comptable. A bientôt !

Vous voulez devenir commercial ? Je vous aide (gratuitement) à construire votre carrière sur des bases saines (et performantes) !


Les autres biais cognitifs de ce dossier

1 - L'effet Pratfall : le biais cognitif qui vous fera aimer Gaston Lagaffe !

2 - L'erreur fondamentale d'attribution : bons samaritains ou enflures, les séminaristes ?

3 - Le biais de contraste, ou l'art de savoir se comparer

4 - L'effet Dunning Kruger : vous en savez MOINS et PLUS que vous ne le pensez

5 - Comment le Paiement Sans Contact (et 3 autres astuces) nous poussent-ils à la dépense ?

6 - L'Effet de Primauté : Soignez votre première impression ou regrettez-le à jamais !

7 - Effet de Récence : Le Secret du Burger de la Mort, enfin décrypté !

8 - Biais de Confirmation : Comment ne voir que ce qu'on a envie de voir

9 - Effet Von Restorff: Le Biais Cognitif qui vous fera retenir les vaches violettes

10 - Biais de négativité : Pourquoi on voit tout en noir, depuis Cro-Magnon ?

11 - Effet Veblen : Vous allez enfin comprendre Balenciaga

12 - Voeu Pieux : Et si votre vision désidérative vous jouait des tours ?

13 - Preuve Sociale : Pourquoi l'avis des autres est-il si précieux ?

14 - [Hors Série] Les biais cognitifs derrière les théories du complot

15 - Comment l'industrie du Diamant a multiplié ses ventes par 100 en 40 ans ?

16 - Pourquoi tout ce qui est rare est cher ? Le secret de la rareté

17 - Théorie des attentes : la présentation, ça compte !

18 - Effet Cocktail Party : Pourquoi notre prénom c'est du miel pour nos oreilles ?

19 - Biais de représentativité : Quand on fait de l'exception une règle !

20 - L'engagement : Le moteur secret du Pied dans la Porte

2 Partages
Partagez
Partagez
Tweetez
Enregistrer2