Quiconque a déjà bu du champagne sera obligé de l’admettre : c’est vachement cher pour du mauvais crémant d’Alsace. Blague à part, est-ce qu’on serait autant attirés par les Ferrari et les Rolex si c’était pas hors de prix ? Bienvenue au pays du Bling-Bling, royaume de l’effet Veblen !
Vous voulez appliquer ce biais cognitif et tant d’autres à la vente ? Allez faire un tour ici !
Aux origines de l’Effet Veblen
Thorstein Veblen est considéré comme un des pères de l’institutionnalisme, le courant économique majeur de la première moitié du 20ème siècle. Mais ce qui nous intéresse plus particulièrement aujourd’hui, c’est son best-seller sorti en 1899 : la Théorie de la Classe de Loisir.
A l’époque, il est le premier à donner un nom au comportement des nouveaux riches issus de la 2ème révolution industrielle : la consommation ostentatoire. En gros, il dénonçait une tendance à la consommation inutile, et à dépenser plus pour des choses que ce qu’elles valent vraiment.
Mais ça, c’est que le premier temps de l’histoire. Parce que cette consommation va peu à peu engendrer un effet secondaire. Les choses se mettent à valoir le prix qu’on y met, et la demande augmente parce que le prix augmente. Et c’est ce phénomène là, au final, qui va prendre le nom de l’économiste de l’université de Chicago, l’effet Veblen.
L’expérience originelle
Pour comprendre ce que ça donne en pratique, on va s’intéresser à une expérience menée par Dan Ariely en 2008.
Il a recruté 82 cobayes sur Craigslist, pour se prendre des décharges électriques. Pour ceux qui ne connaissent pas Craigslist, c’est l’équivalent américain du Bon Coin. Du coup, j’aurais bien voulu voir l’annonce !
Bref. Il a séparé les cobayes en deux groupes, et a leur a donné des anti-douleurs. La différence, c’est qu’au premier groupe, il a indiqué qu’ils coûtaient 2$50 pièce, contre 10 cents dans le deuxième.
Sauf que le twist c’est que, dans les deux cas, c’était des placebos – ce type est vraiment un sadique.
Après les avoir gentiment électrocutées, Dan Ariely a interrogé ses victimes sur le niveau de douleur ressenti. Et ce qui en est ressorti, c’est que 85% ceux qui avaient eu le Placebo haut de gamme avaient ressenti une baisse de la douleur, contre seulement 61% pour ceux qui avaient eu la version bon marché.
Par effet Veblen, les cobayes attribuaient des vertus différentes à deux pastilles parfaitement neutres, par la simple grâce du prix.
Démonstration et Réciproque de l’effet Veblen
Robert Cialdini évoque un effet similaire dans la préface de son bouquin de référence, Influence et Manipulation. Il donne l’exemple d’une amie à lui, qui n’arrivait pas à vendre un modèle de bracelets dans sa bijouterie. En désespoir de cause, elle a fini par laisser une note à ses vendeuses pour dire de s’en débarrasser en les mettant à moitié prix.
Sauf qu’une vendeuse a mal lu la note, et au lieu de diviser le prix par deux, elle l’a doublé. Résultat ? Les bracelets sont tous partis en une journée ! Ca nous révèle un peu de la mécanique de l’effet Veblen. On a tous été éduqués au « on en a pour notre argent ». Donc, quand on sait pas trop ce que vaut un objet, le prix devient une composante intégrale de notre grille de jugement. Et si c’est cher, c’est probablement que c’est bien !
Tiens, on va voir qu’il y a aussi une réciproque à l’effet Veblen, avec une autre expérience, menée par Baba Shiv sur ses étudiants à l’université de Stanford.
Pour les besoins de son étude, il leur a soumis une série de problèmes mathématiques, en leur offrant 5$ par exercice résolu. Avant de commencer, les étudiants ont tous acheté une boisson énergétique, dont la promesse marketing était de renforcer la concentration. Le twist, c’est qu’une moitié l’achetait plein tarif, et l’autre avec une remise.
Résultat ? Ceux qui avaient eu une promo sur la boisson énergétique – si je dis encore qu’elle donne des ailes, vous m’en envoyez encore une palette ? – ont résolu 30% de problèmes en moins que ceux qui avaient payé plein pot. La force de l’effet placebo de la boisson était donc fonction du prix : une réciproque de l’effet Veblen, si c’est en promo c’est que c’est moins bien.
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L’effet Veblen, appliqué à la vente
Pour appliquer l’effet Veblen c’est simple : devenez vendeur Balenciaga. Voilà. Ah non mais vraiment c’est tout !
Bon. Je développe un peu ? Quand on voit par exemple ça :
vendu à 1090€ ou encore ça :
vendu pour 750€ (seulement), on se dit que l’étiquette avec le prix constitue une grosse portion de la valeur de l’objet.
Ca touche d’ailleurs à un biais cognitif connexe de l’effet Veblen : l’effet snob. Dans cette théorie micro-économique, les courbes de demande se croisent entre les riches et les pauvres. Plus les pauvres désirent un objet, moins les riches en veulent, et vice versa. En gros, je suis probablement pas assez riche pour trouver Balenciaga attirant.
Et concrètement dans la vente B2B ?
Plus concrètement, on peut quand même tirer profit de l’effet Veblen, même dans la vente B2B. On en a déjà parlé dans l’utilisation du biais de contraste : avoir plusieurs gammes est une bonne façon de développer ses ventes. La différence ici, c’est qu’on va pas chercher à comparer une gamme à l’autre pour être notre propre concurrent. On va plutôt s’intéresser à la promotion de notre gamme la plus élevée.
L’idée, c’est qu’en mettant en avant notre variante la plus luxueuse, on renvoie une image générale de qualité sur l’ensemble de notre offre, même si au final on va vendre une variante inférieure.
Dans le même ordre d’idée, il vaut mieux éviter de faire des promotions : ça apporte certes des ventes à court terme, mais sur le moyen et le long terme, ça abime votre image de marque. Et la surtout la qualité perçue de votre offre, toujours par effet Veblen.
Et enfin, si on est par exemple un ensemblier ou un intégrateur, et qu’on assemble des produits de plusieurs origines pour en faire un système ou une solution, il vaut mieux mettre en avant les éléments les plus chers. C’est aussi une forme de cadrage émotionnel.
Du coup, la prochaine fois que vous verrez quelqu’un porter du Balenciaga, demandez-vous pourquoi il insiste autant pour que vous perceviez sa valeur :
Insérer image Yomi Denzel
Conclusion
Parfois c’est vraiment traitre, les biais cognitifs. Avec l’effet Veblen, on a un exemple marqué qui nous montre que notre bon sens – la qualité a un prix – est déboussolé quand le marketing vient s’en mêler. N’empêche, appliqué intelligemment, il vous donne une bonne raison de plus d’offrir plutôt des services en plus qu’une promo, la prochaine fois que vous serez impliqués dans une négociation commerciale serrée.
Allez, aujourd’hui je vous propose de vendre cet épisode à un ami, un proche, ou un comptable. Et cher, comme ça ils le trouveront encore mieux ! A bientôt.
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