On pourrait traduitre l’effet pratfall comme « effet gaffe », mais c’est assez moche. Pour résumer ce biais cognitif en quatre mots : Personne n’est parfait ! Et on devrait tous arrêter de se comporter comme si c’était le cas.
Pour rappel, ce focus sur l’effet Pratfall s’inscrit dans le cadre de mon dossier sur les biais cognitifs appliqués à la vente.
Histoire de l’effet pratfall
Commençons par l’expérience historique, menée en 1966 à l’université d’Harvard, par le professeur Eliott Aronson. Avec ses collègues Joanne Floyd et Ben Willerman, ils ont embauché un acteur, chargé de jouer un gars super intelligent.
Devant un panel d’étudiants, notre acteur était soumis à une interrogation plutôt costaud, et obtenait 92% de bonnes réponses. L’expérience était renouvelée devant plusieurs panels, et les étudiants devaient noter le degré de sympathie que leur inspirait l’acteur à la fin.
Le twist, c’est que si la moitié du temps l’expérience s’arrêtait là, l’autre moitié du temps, l’acteur se renversait une tasse de café sur lui en voulant en boire à la fin du test.
Résultat ? Les étudiants trouvaient l’acteur nettement plus sympa quand il se renversait du café dessus. Aronson en conclut que cette gaffe le rendait moins austère, plus humain.
L’effet pratfall aujourd’hui
On va faire un bond de 50 ans dans le temps, pour s’intéresser à une autre étude, menée par la Northwestern University en 2015. Les chercheurs se sont cette fois intéressés à un problème beaucoup plus contemporain : les petites étoiles qu’on retrouve à côté des produits sur Amazon, des restaurants sur Google et des Podcasts sur Apple Podcasts.
Sur plus de 110’000 références, ils cherchaient à tracer la courbe reliant la probabilité d’achat à la note obtenue par chacun des produits. Et le résultat est plutôt édifiant : notre pulsion d’achat pour un produit ou un service atteint son paroxysme quand sa note se situe entre 4,2 et 4,5. Pas 5 !
Sur quoi repose l’effet pratfall ?
La question qui se pose à ce stade, c’est : pourquoi ?
En fait je vous ai donné la réponse en introduction : parce que personne n’est parfait. Donc, quand on nous présente quelque chose comme parfait, en êtres humains avertis, on doute, et on crée des objections.
Un restaurant qui a 5/5 sur Tripadvisor ? Soit il a acheté des commentaires, soit c’est toute la famille du cuistot qui a été voter. S’ils ont besoin de ce genre d’artifice, c’est sans doute que la bouffe est pas fameuse…
Les « Low Costs » : un exemple d’application intelligente de ce biais cognitif
Pour ceux qui sont assez vieux, comme moi, pour avoir pris l’avion avant et après l’apparition des low costs, la proposition de valeur des Ryanair et autres Easyjet est un bon exemple de l’effet Pratfall appliqué. Si les compagnies à bas coûts s’étaient contentées de dire « on fait tout comme Air France, mais trois fois moins cher », on aurait tous commencé à serrer les fesses, en se disant que forcément, ils avaient du faire des économies sur la sécurité. Et que donc probablement un avion sur trois allait s’écraser ! Ca fait cher la ristourne sur le prix du billet.
C’est pour ça que la communication des de ces nouveaux avionneurs était très maline : ils reconnaissaient qu’ils étaient moins cher, parce qu’il y avait moins de place pour les jambes et que le service à bord, les bagages cabine et les réservations de siège étaient payantes.
C’est pas parfait, donc c’est moins cher. En tant que consommateur, je m’en fiche un peu d’être comprimé pendant une heure de vol : j’achète.
L’effet « pratfall » est donc presque un biais cognitif de bon sens. L’être humain n’est pas idiot, il sait que si ça a l’air trop beau, il y a forcément un piège. Du coup, même s’il n’y en a pas, il va se méfier.
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L’effet pratfall appliqué à la vente
Reconnaissez les limites de votre produit ou de votre solution. Ouvertement. C’est aussi simple que ça !
Regardez les infopreneurs sur Youtube : ils vous expliquent maintenant presque tous, qu’avec leurs formations vous n’allez pas devenir riche du jour au lendemain. Qu’il faudra travailler, que ça se fera petit à petit. C’est un sacré contraste avec les vendeurs de rêve qu’on voyait pulluler à une époque ! Mais c’est surtout nettement plus crédible, donc c’est tout de suite beaucoup plus vendeur.
Faites ce travail, en préparation de votre prochain entretien de vente : demandez-vous ce sur quoi votre prospect est prêt à faire un compromis. Et reconnaissez que votre produit, service ou solution est vraiment super pour tout un tas de raisons, mais qu’effectivement, il a cette faiblesse – sur le fameux point de compromis.
Je suis sûr que vous avez déjà eu un collègue « marrant » qui a accroché cette image derrière son bureau : ça peut être fait vite et bien, mais ça sera cher. Ou alors bien et pas cher, mais ça prendra du temps. Ou encore vite et pas cher, mais ça sera mal fait. Bravo Jean-Jacques, tu nous a montré l’effet pratfall, appliqué !
Les deux pièges à éviter
Faites attention quand même, au moment de jouer (un peu) sur ce biais cognitif. Ce que je vous recommande depuis tout à l’heure, c’est l’honnêteté et la transparence. Pas l’illusion d’honnêteté ou la transparence surjouée !
Vous connaissez tous cette question usée jusqu’à la corde des entretiens d’embauche qui vous demande de citer un de vos défauts. Et – grand scoop – répondre avec un faux défaut comme « je suis trop travailleur » ou « je suis perfectionniste », ça vous rend clairement pas plus attirant.
Pour identifier le deuxième piège, on va retourner en 1966 avec l’expérience des psychologues de Harvard.
Je vous ai déjà parlé de l’acteur qui répondait juste à 92% des questions et se renversait, ou pas, une tasse de café sur lui. En fait, ils ont aussi fait deux tests supplémentaires sur leurs panels d’étudiants. Cette fois, l’acteur répondait mal aux questions, et n’obtenait que 30% de bonnes réponses. Ensuite, de nouveau, la moitié du temps il se renversait son café sur lui.
Bilan ? Eh bien cette fois, les étudiants le trouvaient encore moins attirant et sympa quand il se tachait avec le café. Tout l’inverse de la première expérience.
Conclusion
Ce qu’il faut en retenir, c’est que des petites imperfections nous rendent plus attrayants, partant du principe qu’on est plutôt solides par ailleurs à la base. Mais si tout est déjà assez mauvais, ajouter des imperfections à la médiocrité, ça nous rend clairement pas plus désirables.
Donc, si votre produit, service ou solution est mauvais, aucun biais cognitif ne vous sauvera. Vous avez un plus gros problème à régler !
Voilà, c’est tout pour aujourd’hui ! On se retrouve très vite pour une autre plongée dans les méandres de notre cerveau. Pour être surs de ne rien rater, n’oubliez pas de vous abonner, et de partager cet épisode avec un ami, un proche… ou un comptable.
Je me demande si ça me rendrait pas plus sympathique si je me foirais au montage et que je couais ma phrase i…
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